Appel à contribution 'Beaumarchais et l'Angleterre : littérature, finances et politique' (Date limite : 31 janvier 2026)
Soho ou King's Square, 'Stow's Survey of London', 1754
Les liens entre Beaumarchais et la Grande-Bretagne sont multiples et complexes. Ces journées d'étude se veulent une exploration des activités, des relations, des séjours de Beaumarchais en terre britannique. De nombreuses zones d'ombre entourent encore certaines allusions et références à l'Angleterre dans ses papiers et sa correspondance. Les dossiers les plus célèbres, tels que les missions liées aux pamphlets contre Jeanne du Barry, à l'affaire d'Éon et à celle d'Angelucci alias Atkinson, s'enrichissent de nouvelles perspectives à la lumière d'archives récemment découvertes ou issues de la donation du fonds familial à la Bibliothèque nationale de France.
Dans le cadre de l'inventaire de la correspondance et des papiers manuscrits de Beaumarchais, nous souhaitons examiner et étudier à nouveaux frais, au cours de ces journées, les liens entre Beaumarchais et les îles britanniques. Affaires politiques, économiques et littéraires se mêlent dans l'archive, révélant un Beaumarchais anglophile et fortement investi dans la diplomatie parallèle entre les deux nations, au moment de la guerre d'Indépendance menée par les colonies américaines contre la métropole coloniale, lors de laquelle la France cherche à tirer parti de la situation en contribuant, par son soutien aux Insurgés, à l'affaiblissement de la couronne britannique.
L'Angleterre est aussi le théâtre de certaines intrigues dramatiques élaborées par Beaumarchais, principalement celle d'Eugénie. La réception des pièces, leur traduction et leur création, est tout autant révélatrice des liens privilégiés qui unissent les deux espaces. Beaumarchais éditeur ne l'oubliera pas, à l'heure d'éditer les œuvres complètes de son philosophe préféré : la préparation et la diffusion de l'édition de Kehl des Œuvres complètes de Voltaire se joue elle aussi, en partie, en Angleterre, où Beaumarchais a d'abord cherché à implanter sa Société Littéraire Typographique, avant de se rabattre sur l'achat du matériel typographique de l'un des plus célèbres imprimeurs anglais, John Baskerville.
Face au bellicisme qui anime les deux monarchies, Beaumarchais est tiraillé entre la devise tirée d'un vers d'Horace, « Divisos orbe Britannos » (Lettre à Jean-François Letellier, 13 janvier 1781), et un idéal humaniste et pacifiste : « Vous savez que pendant que la politique et la guerre divisent les États ; les sciences et les beaux-arts rapprochent les particuliers ; et que le monde littéraire et philosophique est une grande famille réunie pour le bonheur et l’instruction des hommes » (Lettre à Lord Shelburne, 27 juin 1779). La création en 1776 du premier journal rédigé en français publié à Londres, le Courier de l'Europe, participe de cette même volonté de rapprochement, prélude à une « entente cordiale » qui mettra encore deux siècles à advenir.
Particulièrement lucide sur les enjeux géopolitiques de la domination coloniale, attentif à la culture et à la langue anglaises, Beaumarchais a introduit en français un certain nombre de termes tirés du vocabulaire politique anglais. Le bilinguisme, les citations, les remarques sur la langue enrichissent les lettres de Beaumarchais. Sa contribution linguistique, étudiée en son temps par Gunnar von Proschwitz (Introduction à l'étude du vocabulaire de Beaumarchais, Paris, Nizet, 1981), n'est pas la moins remarquable.
De la révocation de l'Édit de Nantes à la Révolution française, l'Angleterre fut une terre de refuge pour de nombreux Français. Deux éléments en témoignent et suggèrent les bornes chronologiques de notre enquête : d'après une lettre partiellement publiée par Louis de Loménie en 1858, datée du 31 juillet 1754, le jeune Pierre-Augustin a tenté de développer son activité d'horloger en utilisant le réseau d'un cousin, un certain M. de Bussière, sur lequel nous possédons très peu d'informations. On peut au moins émettre l'hypothèse qu'à l'inverse d'André-Charles Caron, le père de Pierre-Augustin, qui a choisi de se convertir à la religion catholique afin de pouvoir exercer son métier d'horloger, Bussière a choisi l'exil. En 1792, acculé par les accusations et menaces d'arrestation à l'occasion de l'affaire des fusils de Hollande, Beaumarchais se réfugie à Londres, emportant avec lui une partie de ses papiers, les plus compromettants aux yeux des révolutionnaires, ceux qui témoignent de ses relations avec la monarchie française. Il les dépose chez Dulau, « libraire du clergé français émigré », aux dires de Chateaubriand (Mémoires d'outre-tombe), à Soho Square, où ils resteront jusqu'en 1863, et où ils furent découverts par l'éditeur de Beaumarchais, Edouard Fournier, qui en fit faire l'acquisition à la Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française. Ces manuscrits y sont encore conservés aujourd'hui sous le nom de "manuscrits de Londres".
Ce ne sont là que quelques pistes destinées à rappeler la diversité des thématiques ouvertes par cette rencontre et l'intérêt historique, culturel et politique que recouvrent ces papiers en cours d'inventaire. La riche tradition éditoriale éclaire les enjeux patrimoniaux de cette archive internationale qu'il s'agit de rassembler pour la mettre à disposition de la communauté scientifique.
Les propositions de communications (en français ou en anglais) d'environ une page sont à adresser conjointement à Catriona Seth (catriona.seth@mod-langs.ox.ac.uk) et à Linda Gil (linda.gil@univ-montp3.fr) avant le 31 janvier 2026. Les communications doivent être prévues pour une durée de 30 minutes maximum et seront suivies, chacune, d'une discussion de 15 minutes. Nous privilégierons les communications qui s'appuient sur une documentation originale.
L'hébergement (3 nuits) et les repas du colloque seront pris en charge par les organisateurs. Nous invitons les chercheurs ne disposant pas de possibilité de faire financer leur transport à nous contacter.
Une bibliographie de travail est consultable sur notre carnet de recherche : https://archibeau.hypotheses.org/bibliographie
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Comité scientifique : Linda Gil (Université Montpellier Paul-Valéry et Institut Universitaire de France), Sylvie Kleiman Lafon (Université de Nanterre), Gilles Montègre (Université de Grenoble-Alpes), Stéphane Pujol (Université Toulouse Jean-Jaurès), Catriona Seth (University of Oxford), Virginie Yvernault (Sorbonne-Université).