'La dette publique française, histoire d’une arlésienne'

Avec Patrice Baubeau (MFO) I Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier

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3 300 milliards de dette publique, un signe annonciateur de la prochaine faillite de l’État français ? Pas vraiment. La situation n’est ni nouvelle, ni dramatique en soi, nous dit Patrice Baubeau, maître de conférences en histoire économique à l’université Paris Nanterre.

 

RetroNews : La question de la dette publique apparaît, ces jours-ci, comme un vaste sujet d’inquiétude. Pourtant, l’endettement de l’État, en France comme ailleurs, est tout sauf récent. L’emprunt n’est-il pas tout simplement un moyen de gouvernement indispensable ?

 

Patrice Baubeau : Le principe de la dette publique est très ancien. En France, dès le Moyen Âge, le roi emprunte, mais ce n’est pas encore tout à fait une dette d’État : il le fait parfois en son nom propre, parfois au nom du royaume, ce qui laisse un flou sur la responsabilité du paiement… Ce sont véritablement les cités-États italiennes qui inventent, aux XIIIe-XIVe siècles, les titres de dette publique, regroupés au sein de fonds, les monti (les « monts »). Ces dettes ont pour caractéristiques, pour la première fois, d’être inscrites dans un livre, d’être associées à un État et par ailleurs d’être transférables : revendues, elles passent de main en main et fait à chaque fois du nouveau détenteur le créancier de l’État… 

Ce système se développe ensuite largement en Europe à partir de la Renaissance. En France, aux XVIe-XVIIe siècles, ce sont surtout les financiers lyonnais – « le Grand Parti de Lyon », alors capitale financière du pays – qui prête à la Couronne. L’État ne pouvant emprunter directement, la municipalité parisienne sert d’émetteur de « rentes sur l’Hôtel de Ville ». Outre-Manche, la Banque d’Angleterre, créée en 1694, n’est autre qu’un club de gentlemen regroupés pour apporter collectivement de l’argent au roi sans qu’il ait à se soumettre au contrôle du Parlement.

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