In Memoriam Jean-Claude Vatin (1934-2021)

Jean-Claude Vatin, directeur de la Maison Française d’Oxford de 1994 à 2000, est décédé au début du mois mars 2021.

 

Jean-Claude Vatin était d’abord à Oxford une figure scientifique connue pour son expertise sur le monde arabe. Il entretenait des liens étroits avec plusieurs composantes de l’Université d’Oxford. Il était très attaché à l’Université d’Oxford, son alma mater. Il y avait été étudiant à la fin des annés 60 (BLitt). Il restait très lié à son collège, St Antony’s. Il était naturellement très proche du Middle East Centre, en tant que spécialiste reconnu de l’histoire politique de l’Algérie coloniale et contemporaine. Il y est invité en 2007 à l’occasion du 5Oème anniversaire. Il avait commencé ses recherches en Algérie, dès après l’indépendance, à la fin de son service militaire. Il avait été engagé à l’Institut d’Études Politiques par Jean Leca son directeur. A l’Institut d’Études politiques et à la Faculté de droit d’Alger il avait fait converger son engagement citoyen et, déjà, son intérêt pour la recherche et son organisation. A la fin de son séjour algérien il soutient sa thèse avec Jean Leca et devient Docteur d’Etat. Jean Leca et lui publient en 1975 les deux volumes de L’Algérie politique, un ouvrage de référence. Dans les années 70 il a été invité à l’Institut d’Etudes Avancées à Princeton, autre lieu très important pour lui. Il était actif au sein de la Middle East Studies Association. Chercheur au CNRS et Directeur de recherche, il a été membre, dans les années 70 du CRESM[1] à Aix-en Provence, un des laboratoires dont l’UMR IREMAM[2] est l’héritière. Grace à son séjour en Égypte, il a encore conforté sa connaissance du monde arabe. Il était un arabophone érudit, féru de la littérature et de la poésie arabe. Nommé directeur du CEDEJ[3] au Caire, 1984 à 1992[4], où il été un directeur et un chercheur actif, entreprenant, respecté et reconnu, il avait créé avec la Faculté des Sciences Économiques et Politiques de l’Université du Caire les Rencontres franco-égyptiennes de politologie, un séminaire récurrent de haut niveau. Cet évènement scientifique avait permis d’inviter plusieurs grandes figures des sciences politiques. Très impliqué dans des publications collectives, il a contribué à faire du CEDEJ un centre dont les publications faisaient référence. Jean-Claude Vatin était ce qu’on appellerait aujourd’hui un chercheur très internationalisé : parce que son intérêt pour les pays arabes allait de pair avec une attention particulière pour le comparatisme, il entretenait des relations avec un grand nombre de politistes spécialistes de l’Égypte et du monde arabe, en Égypte d’abord, avec des collègues égyptiens qu’il considérait toujours comme ses pairs, mais aussi aux États-Unis, dans tous les pays d’Europe et en particulier au Royaume Uni.

 

Il revient à Oxford, la ville de ses années de formation universitaire, en directeur de centre tout occupé à consolider les liens avec le CNRS et à développer l’activité de recherche de la MFO. Ses années à la direction de la Maison, de 1994 à 2000, ont coïncidé avec l’affirmation de la recherche et des sciences sociales dans ce pôle reconnu pour son activité dans les humanités qu’était la Maison Française. Jean-Claude Vatin arrive à la MFO armé d’une très solide expérience de directeur de centre de recherche à l’étranger acquise en Égypte. À ce titre, il avait été proche des discussions menées pour la création de l’IRMC[5] à Tunis en 1992. Ayant été président de la section de sciences politiques du Comité National de la Recherche Scientifique, il avait également une connaissance fine du fonctionnement du CNRS. Sous son mandat, l’arrimage de la MFO au CNRS se consolide. De janvier 1996 à janvier 1999, la MFO est une unité associée au CNRS. En 1999[6] un pas décisif est franchi et elle devient Unité de recherche associée au CNRS (URA 1563). Jean-Claude Vatin a été maintenu à son poste une année supplémentaire pour superviser l’entrée du CNRS dans la gouvernance de la Maison française. Le Ministère des Affaires Étrangères lui ayant confié la mission d’ouvrir la MFO vers la recherche, il a conçu un projet où les travaux doivent porter sur l’histoire et la littérature mais aussi sur les sciences sociales. Ces dernières, à partir de cette période, font désormais pleinement partie des axes de recherche de la MFO. Il a également donné une impulsion décisive aux recherches en histoire des sciences. Conscient de l’intérêt de conserver la mémoire de la déjà longue histoire de la Maison Française – peut-être en cela était-il marqué par la perte de toutes ses archives personnelles à son départ du Caire – il a très certainement été celui qui a persuadé Marie-Louise Fluchère de finalement écrire la plaquette[7] qui est aujourd’hui un document si précieux pour l’histoire de notre centre.

 

Mais Jean-Claude Vatin était aussi un directeur humain, fidèle dans ses amitiés et qui a laissé aux résidents de la Maison Française le souvenir d’une personnalité marquante et très attachée à la formation des jeunes chercheurs. Les témoignages d’anciens doctorants et étudiants de la MFO, de scientifiques qui ont été en contact avec lui dans ses fonctions de direction convergent pour brosser le portrait d’une personnalité dynamique, ouverte, cultivée, avec un charisme porté par une élégance naturelle. Plusieurs soulignent l’intérêt que Jean-Claude Vatin portait à la formation à la recherche et à l’accompagnement des jeunes chercheurs. Sous son mandat à la MFO il les encourage à produire et à diffuser leurs résultats, par exemple dans une revue de recherche éditée par les résidents, La Lettre de la Maison Française d'Oxford. Il les a encouragés à coordonner des numéros de cette revue, à partir des séminaires qu’il les incitait à organiser. Plusieurs anciennes ou anciens doctorants sont restés en contact avec lui après leur départ de la MFO et ont dit le soutien qu’il leur a apporté dans la période souvent difficile qui s’étend entre la fin de la thèse et les premiers emplois de chercheur ou d’enseignant chercheur.

 

La Maison Française d’Oxford rend hommage à Jean-Claude Vatin et présente ses condoléances à sa famille et à ses amis.

 

 

La MFO remercie pour leur aide à la rédaction de ce texte : (par ordre alphabétique) Florence Faucher, Eberhard Kienle, Jean Leca, Marie-Claude Maurel, Sylvie Ollitrault, Anne Page, Hélène Roos, Yves Schemeil.

 

[1] Centre de Recherche et d'Étude sur les Sociétés Méditerranéennes

[2] UMR « Institut de Recherches et d’Études sur les Mondes Arabes et Musulmans »

[3] UMIFRE « Centre d'études et de documentation économiques, juridiques et sociales »

[4] Il quitte Le Caire le 12 octobre 1992, le jour même du grand tremblement de terre.

[5] UMIFRE « Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain »

[6] A ce moment de Département des Sciences Humaines et Sociales est dirigé par Marie-Claude Maurel et Georges Tate (1943-2009), historien et orientaliste, spécialiste de la Syrie, est le Directeur adjoint particulièrement en contact avec Jean-Claude Vatin.

[7] Marie-Louise Fluchère, La Maison Française à Oxford il y a 50 ans, ouvrage publié à compte d’auteur, Paris, 1996