MFO VI: L’Hôtel de Noailles à Norham Road

Nouveau billet d'Anne Page (LERMA/Aix-Marseille) sur le site 'Anglistique. Histoire et épistémologie des études anglophones'

maison anne page

En juillet 2019 Anne Page et Grégoire Lacaze ont débuté un travail d’indexation des archives de la Maison Française d’Oxford qui s'est poursuivi cet été.
L’objectif est de pouvoir rapidement classer les archives qui ne le sont pas encore et de préciser l’inventaire établi dans les années 80 par Henri Zuber, afin de disposer d’une base de travail fiable, pour de futurs travaux analytiques. 

À partir de ces archives, à commencer par celles des premiers directeurs, ils nous proposent des billets passionnants qui contribuent à faire connaitre l'histoire de l'institution. Le dernier évoque les discussions autour de la construction de la Maison Française et l'idée un temps évoquée de construire à Oxford une "réplique de l'hôtel de Noailles de St Germain en Laye".

MFO VI: L’Hôtel de Noailles à Norham Road (par Anne Page)
 

"Je reprends les billets MFO par une série concernant la « nouvelle » Maison, grâce à la série III des archives du Secrétariat Général. Je commence par ce qu’elle aurait pu être mais n’aura pas été: un hôtel particulier du XVIIIe siècle.

Comme toujours, assez tôt dans les projets, Henri Fluchère souhaita recueillir l’avis des oxoniens. Il est frappant de voir l’impressionnante collection de coupures de presse qu’il rassembla sur les bâtiments que les colleges faisaient construire un peu partout dans la ville. Dès la fin des années 1950, Fluchère était particulièrement attentif à l’architecture « moderne » qui se développait à Oxford pour faire face à l’afflux d’étudiants, grande préoccupation du town planning committee d’une municipalité à dominante travailliste, j’y reviendrai dans un autre billet.

Fluchère prit donc plusieurs avis sur ce que la nouvelle MFO pourrait être, mais tous ne furent pas « modernes ». Peut-être le plus éloigné du projet final fut celui d’Austin Gill, fellow de Magdalen College et membre du comité oxonien de la MFO. Gill avait sa propre vision de ce que la MFO devait être: un reflet de la « bonne civilisation française ». Et la « bonne civilisation française » était en fait celle du dix-huitième. La MFO se devait d’imiter les plus beaux monuments parisiens du siècle et le modèle pris par Gill fut l’Hôtel de Nouailles de St Germain-en-Laye. Certes construit en 1680, il était cependant censé représenter le premier dix-huitième siècle architectural.

 

Voici ce que Gill écrit donc à Henri Fluchère le 25 mars 1960:

« Vous m’avez dit que vous aimeriez connaître l’avis de nos amis d’Oxford sur le style d’architecture qu’ils souhaiteraient vous voir adopter pour la nouvelle Maison Française. Pour ma part, j’aimerais voir un style traditionnel, c’est-à-dire associé traditionnellement à l’élégance souriante qu’évoque pour les Anglais l’idée de la bonne civilisation française. C’est dire, je crois—surtout à Oxford— un style dix-huitième siècle, et s’il fallait préciser davantage je dirais un style inspiré par exemple par celui de l’Hôtel de Noailles à Saint Germain en Laye…C’est élégant & en même temps très sobre et les proportions me semblent à peu près exactement celles qui conviennent » (Archives MFO III SEC/GEN 7).

Le projet aurait eu le mérite de mieux correspondre au sobriquet de « Château Français » que la presse d’Oxford utilisa à la fin des années 50 quand les rumeurs sur le projet commencèrent à circuler. 

Quels furent les commentaires au final? Reste encore à les rechercher dans les revues et dans la presse mais au moins certains habitants semblent avoir été pleinement satisfaits, pour preuve cette lettre adressée par un riverain à François Bédarida en septembre 68 (sur papier à en-tête de l’Athenæum): « At least twice each day, I passed the Maison Francaise and this gave me real pleasure every time. The good proportions, balance and simplicity of this dignified building appeal strongly to my sense of what is good in modern architecture. I do not know whether the French architect was mainly responsible for the design, if so, I consider that he is to be congratulated » (I SEC/GEN 6).

Fluchère avait quant à lui souhaité que cet architecte pense « un projet dont l’élégance, si rationnelle soit-elle, ne sera pas contestée » (Lettre de Fluchère à F. Neumann, 2.08.60, III SEC/GEN 7): ses relations avec Jacques Laurent, Eduardo Dodds et Brian Bring dans un prochain billet."

 

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